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Chronique d'un stage à Salamanca...

​Dimanche 20 février 2022, 6 heures, voilà, nous y étions, de nouveau, le convoi allait repartir vers le Campo de Salamanque. Un autre stage d’entrainement intensif du Centre Français de Tauromachie aller débuter.



6h30 précises, 5°C au compteur, le camion et la voiture démarraient pour 1100 km et 10 heures de route pour le moins. Une autre voiture, avec 3 autres élèves, était déjà partie vers 6 heures, l’impatience …
 
Après juste un an et demi de confinement plus ou moins choisi, nous repartions vers les taureaux salmantins. Le stage précédent nous avait vu revenir juste avant que les frontières ne se referment sur nous. Nous voulions croire que cette parenthèse dans nos vies resterait un mauvais souvenir.
 
 

La quasi pleine lune nous avait donné une petite lumière irréelle pour mettre nos valises dans les coffres, les capes, les épées, de quoi ne pas avoir froid, car les températures de Salamanque peuvent se révéler proches du congélateur !
 
Les parents étaient là pour voir leurs enfants partir, séquence émotion pour certaines mamans voyant leur petit partir pour la première fois…Ils reviendront transformés, c’est sûr.
 
Pour plus de facilité, nous ne nous attendrions pas, chacun faisait sa route, sans attendre les autres.
 
Nous entrions sur l’autoroute et la totalité de notre voyage allait se dérouler sur ce ruban de bitume, de porte à porte, easy riding donc. On avait calé la radio sur Nostalgie, qui délivrait des vieux airs des années 80 : « Sultans of Swing » de Dire Straits, « Tchiki boum » de Niagara, « Les poèmes de Michelle » de Teri Moïse, le très à propos « Chacun sa route, chacun son chemin » de feu Tonton David, que du easy listening. Pendant ces 10 heures de conduite, il fallait s’installer dans la durée. On allait se relayer toutes les deux heures maximum, ce qui permettait à chacun de se reposer un peu. La voiture était installée en mode long courrier classe affaires, avec le siège passager pouvant se transformer en une véritable couchette. Notre organisation était toujours la même : le masque pour les yeux, l’oreiller parfumé, celui qui ne conduisait pas dormait, et surtout pas l’inverse !
 
Pour moi, la nuit avait été très courte, car beaucoup de choses avaient traversé mon esprit en me couchant : n’avais-je pas oublié le petit chargeur du téléphone, la pommade à l’arnica pour les coups, le disque de sauvegarde, au cas où, les attestations parentales et j’en passe. Bref, ce matin, j’étais un peu dans le coton !
 
 

7 heures… Le jour se levait sur Sète et l’on commençait à apercevoir à l’horizon la chaine majestueuse des Pyrénées, ces montagnes de feu si bien nommées, enneigées et embrasées par un soleil déjà intense. On avait l’impression que l’on pouvait les toucher. Notre route passait par Toulouse-Bayonne, ce sud-ouest où nous avions passé de si bons moments taurins et où nous avions des souvenirs de ferias mémorables, grâce à des gens passionnément aficionados qui savent si bien s'amuser, dans une ambiance toujours bon enfant. Puis, venaient Irun-Vitoria-Burgos et enfin Salamanque.
 
En zappant, à la radio, on n’entendait que des reportages sur l'Ukraine qui pouvait se transformer, du jour au lendemain, en une poudrière. On ne parlait plus de la pandémie, sur le plan national, il n’était question que des élections pestilentielles, comme le disait le regretté Coluche. Il était donc temps pour nous de « tailler la route », comme dans la chanson de Souchon, comme des clochards célestes, si chers à Jack Kerouac, à la découverte de nouvelles sensations, rencontres et autres aventures...
 
 
Au niveau d’Irun, comme toujours, nous eûmes la pluie, les tunnels se multipliaient, il pleuvait fort, les virages se succédaient, c’est une portion du trajet qui est fatigante, mais, nous savions qu’il y avait au bout, quelque part, des taureaux qui nous attendaient. Le prix à payer en quelques sortes.
 
 Arrivés dans la vallée, la fatigue se faisait sentir. On le réalise quand le tour de quart ne dure plus qu’une heure. Un arrêt technique pour tous -voiture y compris- et on repart.
 
 

16h30 : voilà notre hôtel en bord d’autovia qui se profile. Nous sommes au beau milieu de la campagne, les moutons du berger voisin sont juste à côté de nos fenêtres. C'est une merveille.

​Nous arrivons, Ana la dueña nous attend, elle nous embrasse, on demande des nouvelles de chacun, depuis la dernière fois. Dana, la petite chienne n’est plus, nous avons une pensée pour elle. Nous sommes heureux d’arriver dans notre querencia. Le minibus et l’autre voiture suivent une heure après. Chacun prend possession de sa chambre. Ça va durer une semaine, confortablement installés, comme à la maison. Nous allons avoir une soirée de démarrage de stage, où le programme sera présenté. Un bon diner, aussi, ce sera bien venu.
 
Nino Juliàn, de son côté, est à Ciudad Rodrigo, à une quarantaine de kilomètres de là. Il s’y déroule un carnaval avec des épreuves taurines, depuis un mois, avec des sélections très sérieuses. Des novilladas sans picadors et des festivals avec figuras sont organisées en pleine ville, sur la place du village, c’est exceptionnel et à ne pas manquer dans la vie d’un aficionado curieux de voir du toro typique. Il nous rejoindra dans la soirée.
 
D’autres invités sont prévus, mais, ce sera pour plus tard.
 
Alors, maintenant, comme on dit : ¡¡¡ A torear !!!
 
Demain, une visite de Salamanca est prévue, mais, pour sûr, cette nuit, tous ces petits vont faire de beaux rêves de toros.

PREMIER JOUR : Premier exercice pratique : savoir commander son petit déjeuner en espagnol ! C'est déjà une chose, mais comprendre ce que dit Ana, derrière son comptoir, c'est autre chose !
 
Volontairement, nous les laissons se débrouiller. Il faut se jeter dans le bain le plus rapidement pour apprendre le plus possible. Voyager forme la jeunesse, la vieillesse aussi d'ailleurs !
 
Ce matin, les pare-brises sont gelés, ici, rien d'étonnant. On débutera soft avec un sightseeing tour de Salamanca, incontournable.
Pour cela, pas de minibus car les petites rues étroites de la vieille ville et le plafond bas du parking central auraient raison de notre beau minibus. Nous nous répartissons donc dans trois voitures façon sardines et hop, on y va. Pendant ce temps, nos copines brebis, très en verve ce matin, sortent pour une ballade bucolique. Ça bèle de partout, ça se bouscule, ça couine, bref, comme un lundi....
 
Arrivés à Salamanca, nous effectuons la visite du centre touristique : la Plaza mayor, d'organisation identique à celle de Madrid, quoique plus petite en dimension, les différents bâtiments d'université  où le jeu des touristes consiste à trouver la petite grenouille sur la tête de mort, la casa de las conchas, la cathédrale où il est de bon ton de trouver où se situe le cosmonaute, rajouté, il y a quelques années, lors d'une rénovation de la porte principale et surtout les bâtiments historiques où l'on apprécie la manière si particulière d'écrire  certaines lettres les unes imbriquées dans les autres, dans un souci  d'économie de place pour le peintre ou le sculpteur. La pierre de construction est de couleur ocre, cela confère une ambiance chaude, malgré le froid habituel des hivers salmantins.
 
 Certes, Salamanca est une ville de tradition historique étudiante, mais il est amusant de constater que certains groupes de touristes venus  en ce jour ensoleillé mais froid sont constitués de papys et de mamies. l'Espagne a eu l'intelligence, depuis longtemps, d'organiser des visites touristiques dans tout le pays, pour les anciens. Ces escapades de quelques jours leur sont proposées, pour un prix modique. Ils peuvent, par conséquent, visiter leur pays, ne restent donc pas enfermés tous seuls dans leur coin et, dans le même temps, ça relance la machine économique :  ils consomment, achètent des souvenirs , font travailler des guides, des hotels, des chauffeurs de bus etc... On devrait  prendre exemple sur eux et y réfléchir, nous qui avons plutôt tendance à laisser nos aînés croupir dans des hospices ou des EHPAD, dont les conditions de "vie" laissant vraiment à désirer.
 
Au fur et à mesure de notre déambulation dans les rues de cette belle ville, nous prenons conscience que les plus jeunes de nos élèves n'ont pas vraiment de notions claires d'espagnol et cela n'est pas acceptable. Aussi, dès notre retour à l'hôtel, décision est prise de leur faire réviser l'ensemble du vocabulaire taurin, ce sera au moins cela d'appris. Assis à la table ronde de la salle à manger, un cours sur les termes taurins employés dans les ruedos est donné dans une ambiance studieuse car désormais, durant les entrainements, les professeurs ne parleront qu'en espagnol. Celui qui ne comprendra pas les instructions sera immédiatement écarté pour un autre de ses camarades. Un peu de pression n'a jamais nui à l'apprentissage.
 

 

Premier entraînement cet après-midi, à 16h30, dans la ganaderia renommée de Valdefresno. L'horaire peut paraître un peu tardif, mais il s'explique car les filles du ganadero ont cours jusqu'à 15h30 et elles s'impliquent dans l'organisation du tentadero.  

​Une omelette française rapidement avalée, après le cours d'espagnol, chacun se change. Il faut prendre de quoi ne pas avoir froid ce soir, car il risque de faire frais. On s'y rend en convoi. C'est à quelques kilomètres.
 
16h20 première vache.
Très technique, avec beaucoup de caractère, Nino la torée très bien, suivent ensuite les élèves que nous n'avons pas encore vu devant du bétail : Rémy, Baptiste, Mathieu. Ça paraît beaucoup plus difficile pour eux, mais ils s'accrochent.
 
2ème vache, plus docile, excellente au cheval, Clément la torée à la cape et à la muleta. Il donne l'exemple et suivent Gauthier, Mathieu,  Valentin et Clovis.
 
Après chaque vache, un point est fait avec les professeurs, au centre du ruedo, pour donner des corrections techniques.
 
Tous les élèves sont très concentrés durant l'entraînement.

Le ganadero et ses filles dirigent les opérations avec autorité. Il intervient beaucoup, sait ce qu'il attend de cette séance de travail. Les élèves ne deméritent pas, même si certains sont encore très"verts".
 
Durant toute la séance, Jean-Luc mitraille avec son appareil photo tous les élèves. Tous les soirs, il sera assailli par les jeunes qui vont vouloir se revoir dans leurs évolutions.
 
Certains sont plus proches de l'écarteur landais que du torero. Il faudra que les pieds restent bien plus fixes au sol à l'avenir.
 
3ème vache, supérieurement bonne.
Nino débute et donne l'exemple...Mathieu y retourne. Il s'accroche tout en écoutant les recommandations des Maestros. Ça porte ses fruits. Clovis ressort, les passes sont maladroites, il lui faudra encore beaucoup travailler.
 
4ème vache pour Gauthier "Finito de Nîmes", Manuel, pour la mise en suerte...la vache est bonne et Gauthier torée bien. C'est au tour de Paolo. Désemparé, il ne peut faire une série complète, ce qu'attend le ganadero pour vérifier quelque chose qui déterminera son choix de garder ou rejeter la vache . Il retourne au burladero. Alors, c'est au tour de Manuel.  Il trouve la distance et .torée  plusieurs séries.
 
Puis vient le tour de Rémy. Il se défend mais ne reste pas assez quieto.
Sacha sort, nous savons qu'il est complêtement novice, cependant, il est volontaire, il reste quieto même si les passes sont un peu gauches, et que pour l'instant c'est encore un peu compliqué. Il s'accroche, c'est très bien.
Toutes ces jolies petites vaches ont pris chacune des dizaines de passes sans sourciller. Chacune est toréée 30 minutes !
 
La 5ème vache sera pour Manuel.
Quand on annonce son nom, l'épouse du ganadero dit : "Mais c'est un nom espagnol, d'où es-tu ?" "De Sevilla" répond fièrement Manuel, ce qui fait bien rire ses camarades, car il est né à Nîmes !
 
La vache sort, elle semble, dans un premier temps, éviter le cheval, puis finalement elle s'y emploie. Nino ressort. Elève depuis 10 ans du CFT, il fait montre de beaucoup d'assurance et  de compétences. Il se balade. Cette vache sera celle de Manuel. C'est un peu difficile au début, puis, sur les conseils des professeurs, en la toréant à sa hauteur,  ça passe mieux. À droite, puis à gauche, peu à peu, ça le fait. Il se régale et nous aussi.
Valentin ressort, la vache est excellente, va "a mas" et Valentin n'est pas mal non plus ! Il se régale, ça se voit, c'est super, bien campé sur les reins, il fait preuve de beaucoup d'autorité.
¡ Bien torero, bien !
Cela fait presque 2 heures et demie que nous sommes là, la 6ème vache va sortir. On n'a pas vu passer le temps.
Ultimes conseils et rapide débriefing.

¡ Puerta !
 
Cette sixième vache  est supérieure elle aussi, difficile à fixer au cheval, mais comme la rouge précédente, finalement, elle s'y jette dessus et pousse. C'est Clément qui va officier. Placement tout en douceur, précis. Ils se partagent cette phase probatoire avec Nino. Clément est très doux, torée de façon suave, le soleil se couche sur le campo, cette dernière petite vache noire vaillante s'emploie magnifiquement. C'est une belle fin d'après-midi. Le vent s'est arrêté, le froid nous surprend et la petite vache continue de tourner dans la muleta de Clément pour notre plus grand plaisir.
 
Mathieu sort ensuite, la petite vache tourne comme une montre suisse, il s'en sort très bien. Baptiste enchaîne, même chose. Séries parfaites que permet cet animal. ¡ Gracias vaquilla !

Du coup, Clovis en profite pour une série réussie à droite, le soleil a disparu derrière la petite église de Tabera de abajo, lieu-dit de 170 âmes et de centaines de toros et de vaches.
 
Sacha, dont le pantalon a été déchiré par la vache précèdente ressort, ça le fait, de bonnes sensations, ça aide pour la confiance. Paolo s'enhardit. C'est bien. Remy termine, les pieds sont enfin bien dans le sol, c'est super, ça fonctionne.

¡ Puerta ! Cette dernière vache est un phénomène. Ils s'en souviendront tous.

Le ganadero nous confie vouloir garder la 3ème et la 6ème. La sélection est dure, de haut niveau, mais c'est une exigence obligatoire pour garder une lignée de haute qualité.

Le froid nous tombe littéralement dessus.

Toute la fine équipe regroupe ses trastos, on va rentrer à l'hôtel, il faut nettoyer le matériel, les habits et une douche sera la bienvenue.

Ce soir, au menu : Spaghettis,  puis coucher tôt car demain, de nouvelles aventures les attendent.
 
 
 

DEUXIEME JOUR : Après une bonne nuit de sommeil réparateur, le petit groupe prend un petit déjeuner au bar de notre hôtel, puis, très rapidement, une séance de visionnage des mauvaises attitudes de la veille est organisée. Cela fait partie de la formation, très utile pour corriger et progresser.
 
Aujourd'hui, le Maestro Varin rejoint le Maestro el Rafi dans un élevage de renom de la zone de Ciudad Rodrigo et Manuel les accompagne pour sortir de second.
 
Vers 11h, avec le reste du groupe, nous partons pour un nouvel élevage, celui de Don Ignacio Lopez Chaves. C'est à 30 minutes de notre hôtel, au nord.

Nous traversons un paysage très varié, de très grandes superficies sont semées, d’autres viennent d’être labourées, c’est très agricole. Il y a aussi beaucoup de bétail, des vaches rousses de race limousine ou beiges type charolais le disputent aux très nombreux moutons qui paissent tranquillement dans les champs.

D’immenses entrepôts de forme longue surgissent quelquefois, c’est là que l'on élève des milliers de cochons produits chaque année, dans cette partie de l’Espagne, très réputée pour son jambon savoureux. Puis, au détour d'un virage et d’une petite colline, le paysage change encore, le campo redevient plus boisé, les chênes se font plus nombreux, les cailloux deviennent de grands rochers bien ronds, bien arrondis par les pluies et le vent. Nous passons rapidement dans le petit village de Ledesma où nous apercevons les arènes, dans lesquelles ne se donnent plus qu’une corrida dans l'année et un bolsín.

Nous laissons ce village à l'est, nous filons plein ouest vers La finca dans laquelle va se dérouler la tienta du jour.  Le vent souffle, il n'est pas trop froid tant qu'il fait soleil comme aujourd'hui. Nous trouvons, dans un clos près de la finca, une douzaine de beaux toros, bien charpentés, ils s'approchent vers le pienso, déposé dans une grande mangeoire en granit. Le ganadero tient à nous faire visiter la placita d'origine où a débuté son neveu, le Maestro Domingo López Cháves. C’est un site typique, on dirait qu’il est resté intact depuis sa construction. C’est austère mais puissant, entièrement fait avec d’énormes blocs de granit.
 
 

Nous repartons pour atteindre l'arène en béton qui sert aux tientas, au beau milieu de nulle part. Les murs en pierre de granit défilent sous nos yeux.
 
Il n’y a que nous, le ganadero, un ami, le mayoral et les vaches !
 
La séance débute à 12h avec une première vache compliquée, mansa, très fuyante, il faut l'obliger à prendre des passes. Ça ne promet rien de bon si toutes sortent dans ce style !
 
Puis, tout à coup, se fait entendre un meuglement caractéristique, c'est un toro sans cornes, imposant,  qui s'est approché de nos voitures garées à côté. Il vient voir quelle est l'origine de tout ce remue-ménage, dans son campo si tranquille d'habitude. Il est majestueux, très bavard, un chant très sourd et profond s’échappe de sa gorge, il est très cabot aussi, car, quand je lui parle, il écoute avec attention et me répond ! C’est sûrement l'ivresse du Campo Charro qui me prend !
 
La première vache ne laissera pas de grands souvenirs. Nino a fait tout ce qu'il sait, ça ne l’a pas du tout détournée de son objectif premier : sortir de cet endroit au plus vite. Sacha a tenté une passe, bousculade, nuage de poussière, chute sans gravité. Clément comme Nino tente aussi, «Bon, on va la sortir ! » dit l’éleveur, c'est mieux ! Il est désolé et nous assure que cela n’arrive jamais.  ¡ No pasa nada !
 
 

Deuxième vache,
une rousse, bien jolie, le duvet semble tout doux, elle se laisse mieux faire, c’est rassurant. Clément, Gauthier, re-Clément, il torée très bien, la vache se laisse toréer.
 
Nino et le Maestro Le Sur lui donnent des instructions, ça fonctionne. On passe à Gauthier, qui torée trop vite, d’habitude il nous a habitués à mieux, plus suave...le Maestro lui crie « doucement, doucement... Voilà là oui, c'est bien ! ».
 
Mathieu s'y colle sous les conseils de Nino. C'est compliqué, ça ne passe pas toujours, la bête se faufile entre lui et sa muleta, il faut tout revoir. Il y retourne mais il faut travailler sans relâche à chaque fois. La vache accroche la muleta, l'entortille entre ses 2 cornes, c'est finalement Clément qui va réussir à dégager le drap rouge, même au razet, Gauthier n’y est pas parvenu. La pauvre muleta de Mathieu est déchirée de part en part, lui qui, hier soir, avait gagné une muleta pour avoir été jugé le plus méritant de la première tienta, heureusement pour lui !
 
La placita est située juste à côté d'un hangar où des vaches mangent et boivent. De temps en temps, une ou deux passent leur tête par l’abreuvoir pour voir où en est la situation... Une petite noire, à force de taper contre une séparation en tôle métallique va réussir à s’échapper, elle part en faisant des sauts de cabris et file rejoindre ses autres congénères.
 
3ème vache :
plus petite pour les plus débutants. C’est Clovis qui la pare, il s'en sort assez bien même s'il se fait un peu accrocher la cape. - C’est la première fois qu’on lui confie la charge de « parer » en premier.
 
Valentin sort aussi, c'est bien et propre.
 
Clovis à la muleta, la vache est parfaite, il s'applique, essaie de faire du mieux possible.
Cette vache rouge a du moteur. C'est très physique. Il s’en sort pas mal.
 
Puis, Nino prend la parole : « Je te veux plus entregado, ( - plus motivé - ) fais toi plaisir, la vache est excellente, prend ton temps.» Il finit par de beaux gestes, accompagné de la voix de Nino, passe par passe.
 
Baptiste sort, il s'essaie. Nino sort pour lui montrer plus précisément quelle partie de la muleta doit entraîner la vache. "C'est toi qui décides, c'est toi qui la commandes, ne te presse pas. Mets la jambe. " lui conseille le maestro, Il faut tant de paramètres à intégrer pour que cela soit réussi au niveau technique.
 
Rémy est volontaire, mais il lui faut faire les passes les unes après les autres, bien exécutées, sans se presser.  Ne pas vouloir courir avant de savoir marcher.
 
Clovis ressort pour faire une « tanda » (série), mais, la vache le bouscule, roulé-boulé. Poussière. Il repart pour une très bonne série.
 
Paolo se risque. Il est stressé, mais il y va. Ce n'est pas facile, il faut combattre ses réticences. Il exécute de mauvais muletazos dégingandés et à son retour dans le burladero, il déclare au Maestro : « cette vache sera meilleure dans mon assiette que dans l’arène. ». ¡ Olé !
 
Sacha sort, il est volontaire. Il est très débutant mais le bon esprit est là, c’est important.
 
Puis, Nino accompagne la vache à l’extérieur en effectuant des passes au capote, c'est élégant. Elle se retrouve dans le clos voisin, où ses deux autres "collègues" l'attendent en regardant dans notre direction : qui regarde qui ?
 
 

4ème vache. 
Petite aussi, c'est un cours sur mesures pour bien apprendre.
 
Gauthier au capote. C'est plutôt pas mal.
 
Valentin sort aussi mais se presse. Il s'arrête et recommence plus calmement.
 
Gauthier à la muleta. Il effectue de belles passes, il a la bonne distance, la vache répond, c'est agréable à voir. Il torée longtemps, très bien. La vache ne semble pas donner signe de fatigue.
 
Mathieu ressort, il est volontaire. Le vent s'est levé, il y a énormément de poussière, il s'approche trop et fait démarrer la vache qui se sent attaquée. Il subit plus qu'il ne conduit. Il comprend et réalise de bons gestes après correction du professeur.
 
Rémy ne se croise pas assez, c'est compliqué encore pour lui. Il se fait bousculer, se relève, se met en colère et vexé d’avoir été bousculé y retourne. Il a du caractère.
 
Après toutes ces passes données, la vache commence à comprendre. Elle est moins coopérative.
 
C’est au tour de Mathieu, il a intégré les conseils précédents, c'est beaucoup mieux.
 
La vache sort avant que Nino n'ait pu réaliser de jolis quites...Le bruit du portail l’a fait bondir dans le clos.
 
5ème vache :
C'est au tour de Valentin. Il ne sort pas assez les bras, la vache le serre. Elle est très brave et a tendance à se mettre en querencia au portail. Nino sort pour lui montrer. Mais, elle y revient toujours, elle est très enracée. Le ganadero décide de la changer.
 
5ème vache bis .
une rousse assez haute
Valentin ressort, il ne se fait quasiment pas toucher la cape, c'est bien.
 
Clovis, sort au capote, avec celle-ci, il est dépassé, elle le serre.
 
Valentin à la muleta. Une vache excellente, le ganadero le dit et Valentin l’est tout autant. Bien campé sur les reins, la main libre très détendue, c'est lui qui décide.
 
Baptiste y retourne et veut en faire trop. Une après l'autre pour voir. Il essaie, il faut conduire la vache qui le désarme et le fait courir.
Il y retourne, se fait bousculer à nouveau. Mais, il y retourne encore puis se ravise. Il a un problème de chaussures. Il s’arrête.
 
Valentin reprend pour trois séries à gauche, pas mal du tout…
 
Clément reprend à la muleta. Son compas est trop large, le transfert de poids ne se fait pas comme il faudrait. Il faut qu’il travaille cette position du corps, sinon, l’effet est beaucoup moins artistique.
 
Nino se fait désarmer plusieurs fois, elle n'est pas facile. On la sort.
 
6ème vache.
Elle sort comme une fusée. Tous les élèves sont attentifs et la stimulent de leur cape. Nino et Gauthier se succèdent.
 
A la muleta, elle se révèle excellente, mais très exigeante.
 
Mathieu retente sa chance. Il a de beaux gestes mais la vache le balade.
Puis, peu à peu, il prend confiance, c'est beaucoup mieux.
 
Clovis fait des efforts, la vache se méfie, ce n’est pas bien facile.
 
Cela fait exactement trois heures que le tentadero a débuté, la fatigue se fait sentir.
Même la vache se lasse !

15h30, fin des travaux pratiques pour aujourd’hui.
 
C’est un entrainement intéressant. Chacun, à son niveau, a des points à retravailler, il faut aussi continuer l’entrainement physique car, on peut s’apercevoir que certains sont limités côté endurance physique.
 
Nous repartons vers notre hôtel par la même route étroite, qui serpente dans cette campagne si belle. Dans le minibus, c’est un silence absolu, ils dorment tous. Cette séance les a calmés. C’est une saine fatigue.
 
Le déjeuner est pris à notre arrivée à 16h30. Une bonne cuisine typique : en entrée un plat d’excellentes lentilles au lard puis, joue de porc grillée avec des frites et crème à la vanille en dessert. On n’entend que les cuillères !
 
En fin de repas, nous avons la joie de voir arriver notre cher Rafi, de retour de tienta, avec son mentor Patrick, suivis de Manuel. Ce dernier a eu des émotions durant la tienta, le bétail était très bon, très exigeant et technique. Il a un peu tutoyé la poussière, il est tombé mais rien de grave.  
 
A la fin du déjeuner, une séance d’entrainement physique est immédiatement improvisée : il faut travailler, s’entrainer, encore et toujours, décrasser, améliorer la course en arrière et se préparer pour demain, qui sera encore plus exigeant. La fatigue va s’accumuler, il faut donc aussi se reposer par de bonnes nuits de sommeil.
 
Ce soir, mes copains moutons et brebis sont couchés sous ma fenêtre, tranquillement, paisiblement, sans bruit sauf celui de leurs clochettes, pendant qu’un monsieur hurle dans son téléphone, dans le couloir de l’hôtel. Il parle tellement fort que je suis sûre qu’il n’aurait pas besoin du téléphone pour parler à son interlocuteur, on l’entend surement jusqu’à Madrid ! Bref, nous étions en direct de l’Espagne profonde !

TROISIEME JOUR :
Aujourd'hui, la journée est plus chargée. Ce sont deux ganaderias de renom que nous irons visiter.
 
La première est celle du Puerto de San Lorenzo de Don José Juan Fraile, pour une tienta de 5 vaches, située au sud de Tamames. La seconde est celle de Don Juan Luis Fraile, du côté de Vecinos. Que du bétail de catégorie, en somme.
 
Rendez-vous nous est donné à 11h pour la tienta.
 
Notre route traverse un paysage très caractéristique du Campo Charro : de longs murs en pierre sèche sur des kilomètres et un campo parsemé de milliers de chênes majestueux, sur un tapis d'herbe verte type moquette ! Les jardiniers en charge de passer la tondeuse et de tailler impeccablement les chênes paissent paisiblement, tout au long de ces milliers d'hectares.
 
Bêtement, j'aurais tendance à dire que c'est écologique, mais les vrais écologistes, ceux qui s'expriment en direct des villes, eux, me rétorqueront que j'oublie les dangers de la biomasse. Suis-je bête !
 
Hier soir, un nouveau participant nous a rejoints : c'est un aficionado practico à ses heures de loisirs, mais, c'est surtout un magicien professionnel de grande illusion. Il nous a raconté une foule d'anecdotes rigolotes et insolites sur son métier, tout en ponctuant ses propos de tours de magie, l’air de rien, sous nos yeux, en close Up, sans y toucher. C'était très amusant ! Aujourd'hui, il va s'essayer avec les jeunes élèves devant du bétail de qualité.
 
Le Maestro el Rafi nous a rejoints. Ça lui rappelle beaucoup de souvenirs, durant les 3 stages auxquels il avait participé avec le CFT il y a déjà quelques années. Quel plaisir de l’avoir avec nous !
 
 

 Nous pénétrons dans la finca, côté gauche, El Pilar,  puis plus loin,  au bout d’un chemin qui serpente en haut d’une colline, celle du Puerto de San Lorenzo.
 
Les murs en pierre entourent de grandes bâtisses, une placita au fond, des toutous qui surveillent. Après quelques instants, le ganadero surgit à cheval, avec une manade de cabestros pour aller chercher les 5 vaches qui seront tientées par les élèves. Ambiance typique.
 
Tout notre petit monde se prépare, chacun avec ses trastos, sacs, et autres affaires. Le picador est dans le ruedo, il arrose la piste, elle est impeccable ! c’est de catégorie ! il fait beau, presque chaud avec ce beau soleil d’hiver, pas de vent, des conditions idéales pour toréer.
 
La première vache sera pour Nino : elle est excellente.
 
Il doit profiter de ce stage pour se préparer pour le niveau supérieur de la novillada con caballos. Les professeurs sont donc très exigeants avec lui. Plusieurs séries, très bien réalisées, il est très relâché, suave... On se rend compte qu’il est en train de passer un nouveau stade.
 
Pour Gauthier, la vache est exigeante, il lui faut travailler son bras, sa posture.
 
Au tour de Mathieu de sortir, il démarre stressé : « Calme-toi ! »  lui dit le Maestro Varin, « Fais les passes une après l'autre… », il se fait désarmer mais réalise de beaux gestes.
 
Pour Baptiste, c’est plus compliqué, « plus de pico, moins de face ... et surtout soit convaincu…»
 
Clovis se fait beaucoup bousculer mais y retourne, pourtant, ce matin, il n’est pas au niveau d’hier.
 
Nino revient pour quelques séries et fait sortir la vache. 30 minutes, Pas mal !
 
 
La deuxième vache :
Difficile à mener au cheval, Manuel s’essaie avec belle manière.
C’est Clément qui la torée à la muleta, puis Nino, puis Valentin qui s’en sort très bien, terminant par des passes en redondos
 
Mathieu se fait bousculer, mais s'y remet. Il est motivé.
 
Entrée a matar pour Nino et Clément.
 
La troisième vache est forte :
 
Manuel  pare  très bien la vache avec Rafi.
Le métier rentre peu à peu. Il positionne ses mains basses pour la freiner. La vache est distraite.
La muleta de Manuel semble lui peser, peut-être sa chute d'hier qui lui a laissé la main un peu douloureuse. La vache tombe, il faut la toréer à mi-hauteur. Il torée bien, en douceur.
 
Baptiste a quelques problèmes de terrains, mais il est volontaire et veut faire bien.
 
Au tour de Clovis, la vache se tient en querencia aux planches. Belle série pour débuter. Quelques détails à corriger, mais il est dans le bon rythme. C'est pas mal du tout !
 
Sacha sort pour une série de pechos, pour avoir des sensations, il « ande » (marche) avec la vache, une série à gauche, c'est très formateur.
 
Rémy réalise des pechos et s’en sort plutôt bien.
 
Au bout de 30 minutes cette vache est fatiguée, le ganadero demande qu'on la rentre.

La quatrième vache, une rousse plus petite va clairement au cheval.
 
Gauthier la pare avec Rafi, il est élégant et efficace. A la muleta, il torée en douceur, il mérite son surnom de « Finito de Nîmes », il prend confiance, la vache est délicieuse, elle autorise beaucoup d’erreurs aux élèves sans leur faire payer ! Elle permet de se renforcer la confiance.
 
 

 Alors, Paolo s’aventure, encouragé par ses camarades, elle va se laisser faire. Paolo, saute comme un cabri ! Il se risque mais ne reste pas quieto : le maestro Le Sur lui crie « Paolo, Ne bouge pas, on dirait un haricot mexicain ! «¡ Garbancito mexicano ! » sera son surnom pour la journée. Tout le monde rigole, l’ambiance est détendue mais studieuse. Alors Rafi sort avec lui pour qu’il puisse effectuer des pechos et avoir des sensations. Rassuré par ses encouragements, même s’il se décroise entre chaque passe, il ne recule pas.
 
Éric (notre magicien) qui « ne se le sentait pas jusqu’alors », sort, voyant cette vache si bonne. Il réalise quelques séries, il donne des passes dont il ne se soupçonnait pas lui-même capable, il est heureux, il se régale. Que du bonheur !
 
Rémy, lui aussi, sort sous l’aile de Rafi. Il aime bien toréer les pieds joints, sans bouger, il est sorti, il s’est mis devant.
 
Pour Baptiste, c’est pas mal du tout, cette vache est extra et il reprend le moral, il se fait désarmer car sa muleta est trop basse, rien de grave.
 
Mathieu fait un grand bond technique, il a compris le sitio et pour ne rien gâcher il est très élégant, il a pris du plaisir.
 
Sacha sort, pour effectuer une passe après l'autre. Il veut tellement rester quieto, que quelques fois il faut lui dire de s’enlever, mais il a fait quelques passes il s’est habitué à l’animal.
 
Puis Paolo ressort…  toujours difficile de rester quieto !
 
C’est à nouveau au tour d’Éric, il faut corriger ce buste penché. La vidéo lui permettra de corriger tout ça assez vite.
 
La cinquième et déjà dernière vache sera parée par Valentin qui se révèle très efficace, Rafi alterne.
 
Cette vache noire va directement au cheval.
A la muleta, Valentin torée très doux, longtemps, bien sur les reins, a gusto.
 
Manuel sort, il a un peu tendance à se pencher trop en avant. Il effectue de beaux gestes, il est élégant. Il faut viser la série et surtout toréer plus avec la ceinture. Il a déjà fait beaucoup de progrès, même s’il ne se croise pas assez et donc se retrouve penché en avant. Il faudra le revoir.
 
Mathieu a de jolis gestes, il doit modifier la position de sa muleta mais il réalise de bons progrès.
 
Clovis a un problème de sitio, fait un peu de pega portugaise, prenant la vache par les cornes. Mais, il a de la race, il y retourne.
 
Valentin torée très vertical, effectue des redondos très élégants. Nous voyons, sous nos yeux, une belle transformation pour celui qui a été le gagnant de la muleta d'hier !
 
 
 

14h fin de l'entrainement.
 
 Notre rendez-vous suivant est à 16h. Peu de temps pour se restaurer. Du coup, nous prendrons un petit picoteo dans un bar à Tamames. Nous sommes un groupe de 17 personnes. Nous déboulons à 14h30, sans crier gare, dans un petit établissement modeste, La Bombilla face à la gasolinera.
Ils nous accueillent très gentiment. Très professionnels, très efficaces, nous voici installés très vite en terrasse, comme des princes. Il fait beau, pas de vent, le petit village est désert. Au menu : viande grillée, pain, frites. Que du simple, que du bon. Un régal. Nous avons 30 minutes de route avant notre autre rendez-vous à 16h, ne soyons pas en retard.
 
 
16h04, arrivée chez Juan Luis Fraile, a Cojos de Robliza. C’est un élevage de renom, redouté. Nous avons déjà eu l’opportunité de venir « gouter » de ce bétail, sérieux mais qui donne bon jeu.
 
16h45 début de l'entrainement.
 
Au programme : 2 becerros en mise à mort pour Nino et... Valentin. Cette fois-ci, les petits s'occupent des grands. Clovis fera valet d’épée, Paolo aidera…
 
 
Chacun est à son poste.
 
Un beau novillo noir, fort, bien armé, sort pour Nino.
 
Capote puis une paire de banderilles. Il faut le toréer en perdant du sitio et, peu à peu, le novillo s'habitue au rythme. Il se donne.
 
La distance diminue peu à peu. Nino est plus relâché.
 
Puis à force, le novillo le voit, c'est de plus en plus difficile, car il apprend et comprend que derrière le tissu se trouve l'homme. Mais Nino ne lâche rien.
 
 
En revanche, cela se gâte pour mettre à mort : 3 pinchazos, 1 mauvaise épée, retirée par Rafi pour profiter d’une autre possibilité de mettre une épée, puis descabello. Ce n’est pas gagné, il faut travailler encore et toujours !
 
 

Le second novillo est paré par Clément. Nino aux banderillas, là encore il n’y est pas ! Rafi est à la brega. Clément pose une bonne paire de banderillas.
 
Manuel est à la brega.
 
Valentin prend la muleta : 4 séries bien réalisées, c’est pas mal du tout, « Parfait ! » lui disent les professeurs, c'est plutôt rare !
 
Valentin reprend plusieurs séries à droite bien effectuées. Puis, il passe à gauche, et là les choses changent, c’est superbe, bien campé sur les reins, il lie les passes avec une fluidité de rêve ! On n’en revient pas ! Ce garçon est étonnant de calme et d’aguante. Car il est tout de même face à un novillo fort et sérieux !
 
Pour la première entrée a matar, il ne lève pas assez le coude. On recommence. Et là, c’est une bonne épée ! Un coup de descabello pour l’entraînement.
 
Christian Le Sur lui remettra une oreille bien méritée dans la joie générale !!!
 
Enfin, nous prenons part à la spécialité de la maison Fraile : l’arrastre manuel, très écologique, on prend un cordage très long, que l’on entoure autour des cornes de la dépouille du novillo, puis, on appelle tous les présents dans le ruedo et « ho hisse », on tire jusqu’à la sortie ! Bilan : zéro carbone !
 
Voilà encore une journée bien remplie.
 
Nous rentrons « à la maison » pour une bonne soirée et un repos bien mérité.

QUATRIEME JOUR : 
 
Aujourd'hui, le rendez-vous est à midi, chez Don Andoni Rekagori, élevage où nous avions tienté, voici un an et demi, une quarantaine de vaches, pour le plus grand plaisir des élèves de l'époque, sous les conseils du maestro Juan Leal.
 
Ce matin, après le petit déjeuner, arrivés à mi- stage, il était temps de faire un entretien individuel, pour faire un premier bilan : la question étant de savoir ce qu'attend chacun  des élèves de ce stage,  ce qui va bien, ce qu'il faut travailler. Cela permet, à froid, de bien préparer chaque élève à la deuxième moitié de l'entraînement, afin que cela puisse être encore plus profitable.
Du coup, la grande salle du bar de l'hôtel se transforme en salle de formation, avec, quand même, un feu de bois pour être dans l'ambiance du Campo Charro.
 
Puis, vient le débriefing photographique, pendant qu'à la télévision, le covid, devenu un vieux souvenir, a été détrôné par la crise en Ukraine et un nouveau scandale de politique intérieure qui occupent tous les esprits.
 
Les toreros, eux, sont dans leur monde, qui n'est pas complètement le nôtre. Je l'avais déjà un peu compris, car la quasi-totalité des cartels de corrida que je découvrais, depuis 30 ans, vous le remarquerez, ne mentionnent que très rarement l'année du spectacle. C'est comme si les taurins voulaient nous faire apparaître l'instantanéité intemporelle de leur monde.
 
Ils avaient tous, plus ou moins consciemment, ressenti dans leur for intérieur que la tauromachie, pratiquée depuis l'origine des temps, ne pouvait être ébranlée par l'agitation quotidienne des petits hommes sur Terre.
 
Donc, après ce checkup technique, place à l'entrainement du jour : 7 vaches à tienter. Le temps est gris, il fait frisquet, on n'aura nul besoin de casquette, c'est le côté positif de la chose !
 
Nous partons à une demi-heure de notre hôtel, en passant devant le célèbre élevage d’Atanasio Fernandez, qui, de nos jours, n’existe plus. Sauf qu’aujourd’hui, le bétail qui va être testé est d’origine « Atanasio ».
Don Andoni Rekagori est, « dans le civil », psychiatre à Bilbao, mais il assouvit sa passion du toro bravo en entretenant une ganaderia dans la zone de Campocerrado. « L’agriculture et les toros sont un moyen certain de se ruiner tranquillement, avec les femmes et le jeu ! » disait mon beau-père !  Le plus amusant, c’est qu’il a racheté dernièrement des vaches à un ancien élève du CFT, devenu aficionado practico et ganadero « chez nous en France ».  C’est pour elles, un retour à la maison donc, mais question bilan carbone, on trouvera mieux !
 
 

11h58 : arrivée à Campocerrado, nous passons devant la petite chapelle typique où le Maestro Manolete aimait venir prier lors de ses « retraites » dans le coin. Elle est actuellement « convertie » en un logis pour les cigognes en transit.
 
Un long chemin de terre serpente dans le campo, nous découvrons déjà des toros de part et d’autre, plongeant notre regard émerveillé par-dessus les murs de pierres sèches qui serpentent dans le campo. Voici le petit portail, dont la fermeture est toujours conclue par un nœud à la limite du nœud Gordien effectué avec une cordelette de nylon.
 
Nous sommes accueillis par deux toutous très gentils, puis, une manade de petits veaux s’approchent, car la curiosité l’emporte sur la crainte. Nous sommes dans le bain. 
 
Désormais, c’est un protocole bien huilé, on ouvre les malles arrière, on sort les affaires et on s’installe rapidement.
Le Maestro Varin arrête Paolo, le regarde bien dans les yeux et lui dit : « Aujourd’hui, Paolo, tout ce qu'on te demande, c'est de laisser passer la vache sans bouger, de profil, pieds joints ok ? »  Tope là ! en se serrant la main. C'est l'engagement de la journée.
  
Ultimes conseils avant de débuter la séance, après être allé inspecter le bétail à tienter. En fonction des compétences de chacun, on établit qui va toréer quelle vache et avec qui.
 
Allez, suerte a todos : 12h30 ça démarre…
 
Première vache assez forte.
Nino la pare. Elle répond aux sollicitations du picador.
A la muleta, elle se révèle un peu faible et distraite. Nino est à son aise.
A gauche, elle se laisse faire, elle permet de travailler comme il se doit.
 
Manuel doit la garder dans la muleta, ce n'est pas évident, mais il en est capable. « Une par une, c'est bien, mais on aimerait te voir les lier ! ».
Le ganadero demande qu'on laisse respirer la vache.
Il faut, dans le même temps, se recroiser et effectuer le vuelo et le toque pour enchaîner les passes. On y est presque…
 
Mathieu présente la muleta trop de face, à droite, ça ne fonctionne pas.
Il prend la muleta de la main gauche, mais c’est difficile de la sortir de sa querencia vers le cheval, resté dans le ruedo après les piques.  « C’est toi qui décides, Mathieu ! ».
La vache commence à comprendre, elle le serre un peu plus. Ce n'est pas évident pour lui. Il sort lui-même la vache, c'est déjà un exercice très formateur !
 
Après ces 20 minutes en piste, tout le monde sort des burladeros, rapide debriefing : « Pour se croiser vraiment, il faut aller chercher le 3ème piton qui est derrière ! ». C’était déjà dur avec 2 cornes, s’il y en a une troisième, cela va compliquer les choses !!!
 

 

Deuxième vache :
Clément, coup de cœur du jury, a gagné la muleta hier pour bonne camaraderie. Il pare la vache qui va franchement au cheval.
Elle est rapidement vue, on passe à la muleta.
 
Pour Clément, il est question de travailler son transfert de poids du corps.
C'est une jolie petite vache un peu faible, il faut la toréer à sa hauteur, avec douceur. Et la laisser se reposer entre les séries. Malgré tout, elle tombe souvent.
En chargeant la suerte, Clément commence à transférer le poids du corps. Petit à petit, ça rentre.
 
C’est au tour de Gauthier, notre « Finito de Nîmes ».
Il s'essaie pour quelques passes élégantes, la vache est fatiguée. Il faut savoir toréer en douceur. Il se laisse surprendre par sa bravoure, il étouffe un peu la vache.
 
Puis sort Baptiste.
La vache est en querencia, on la décolle du mur. Une passe par une passe, mais au dernier moment, il doute, n'est pas assez croisé et se fait surprendre. La vache est tellement bonne qu'elle démarre sans sollicitation.  Il se met en colère contre lui. Pechos réussis.
 
Gauthier à nouveau.
Ça ne va pas. Il se fait serrer !
Puis une bonne série à droite. Il improvise des cambios pour les sensations. Il faut oser faire des choses, même si on se trompe, inventer des choses !
 
Troisième vache : plus forte et très mobile.
Clément est là pour la parer. Il alterne avec Manuel.
La vache rase les murs, cherche une sortie. Elle pousse au cheval mais en sort toute seule, c’est pas très bon ça !
Clément à la muleta doit toujours travailler le transfert de poids.
Il se fait bousculer. Sa muleta est beaucoup trop lourde, comme son ayuda, on lui en donne une plus légère.
 « Une par une ». Ça fonctionne.
 Querencia au portail. On arrête.
 
Valentin sort pour « ander » (marcher) avec elle jusqu'à la porte du toril. Il lui faut apprendre à se mouvoir avec l'animal pour avoir du recours. Pour le moment, ce n’est pas encore le cas. Il faudra y travailler avant d’aller plus loin.
 
Le soleil se lève, les couleurs du campo ressortent mieux.
 

Quatrième vache :
Valentin pare et alterne avec Nino.
Elle est difficile à fixer. Elle cherche derrière les burladeros pour s'échapper. Elle s'emploie au cheval, prend des picotazos.
 
Mais, personne n'arrive à la fixer pour que le picador puisse officier et le ganadero juge de la volonté de la vache d'aller au cheval par elle-même.
 
Valentin prend la muleta.
 
Le chant des oiseaux devient presque entêtant. Il le dispute avec le concert de claquements de becs des cigognes au loin. Clac clac clac clac clac clac clac, Israël Galván serait-il parmi nous ?
 
La vache est faible, elle nécessite de la douceur. Elle tombe souvent.
 
Gauthier à son tour.
La vache tombe mais repart de loin, elle retombe, il faut apprendre à la relever sans lui faire mal, dans son axe, sans la stresser.
Pour l'instant, c'est Gauthier qui est un peu sur le qui-vive. « Calme toi Gauthier ! ». Il a de bons gestes. Mais, il lui faut plus de douceur avec cette vache faible. « Caresse là de ta muleta ! ».
 
Clovis sort.
« Pose-toi, cale tes pieds au sol et fais la vague. ». C'est pas mal du tout. Il faut lier les passes, sans la faire tomber. « Pense à la seconde, laisse la muleta morte. ».
 
Paolo se risque.
Un pecho, c'est presque bon, on tente un derechazo, la vache ne collabore pas. Enfin un pecho bien fait, l'effort est louable. Il revient un peu tremblant au burladero mais c'est méritoire, il avait promis, il a tenu !
On sort la vache.
 
Cinquième vache :
Le ganadero annonce que la vache a une petite tâche dans l'œil, mais il pense qu'elle voit quand même.
Gauthier pare la vache, elle semble avoir plus d'énergie.
La rencontre avec le cheval est très brève, mais elle revient pour en découdre.
 
Mathieu sort pour placer la vache puis Clément est au centre. Elle réagit immédiatement, va jusqu'au cheval, pour une autre rencontre.
 
Gauthier ressort pour la placer au centre, à la demande du ganadero.
Elle y retourne.
 
Mathieu, à nouveau, sort la vache pour Gauthier qui va la toréer à la muleta.
 
Gauthier « Finito »
Le ganadero lui indique qu'il veut qu'elle soit toréée plus près.
Il est trop sur elle, il l'oblige, elle tombe. Il lui faut lier 3 passes si possible. Belle série, à mi-hauteur.
Très belles attitudes très "Finito de Nîmesques"
 
Baptiste est appelé.
À gauche. Il n'a pas confiance. Il lui faut présenter plus de pico. La vache répond bien. Il faut mettre les reins. Ça y est presque, mais c'est beaucoup une question de confiance en soi. Il ne faut pas gaspiller cette bonne vache. Au suivant !
 
Mathieu.
Il ne doute pas et enchaîne plusieurs passes, remate d'un joli pecho.
Autre série, ça semble facile, ça ne l'est pourtant pas !
 
Rémy.
« Calme-toi, reste quieto ! ». Séries de pechos avec les jambes fixes. Puis, ça chiffonne…
 
Eric « Magic »
« Pense à tenir ton buste bien droit. Sans fléchir vers l’avant. »
Il réussit derechazos et pechos se dirigeant vers le toril pour sortir la vache.
 
Déjà 2 heures d’entrainement. 
 
Sixième vache :  
 
Manuel et Valentin pour parer alternent.
La vache est haute, forte.
 
Manuel à la Muleta. La vache tombe.
Bonnes séries de Manuel, il prend confiance, mais au bout d'un moment, il est trop confiant, la vache le bouscule ; Il ne faut jamais perdre le respect, sinon, patatras !
Il recommence, plus centré, c'est très efficace. Il est félicité par ses professeurs.
 
Clément.
Il effectue des séries à gauche, mais ne transfère pas son poids. Il donne du vuelo pour solliciter la vache mais elle tombe.
 
Clovis
« Il faut rester quieto, les pieds dans le sol. »
… Ça commence à le faire, une après l'autre.
 
Septième et dernière vache :  
Le ganadero demande que l'on baisse plus le capote pour essayer de fixer la vache au centre.
 
Nino pour parer avec Mathieu.
La vache ne répond pas aux sollicitations du picador.
 
Nino à la muleta.
La vache tombe, le ruedo est très mou maintenant, au bout de 3 heures.
Malgré tout, il trouve le rythme, muleta morte, c'est fluide. La vache est hypnotisée par le drap, elle est extraordinaire. Elle ne voit que le tissu.
 
Sacha sort pour en profiter.
Il y va et fait une ou deux passes pas mal. On n'insiste pas, ça suffit pour avoir des sensations, il faut dire que cette vache avait les cornes un peu pointues.
 
Nino à nouveau.
Cette vache est idéale pour reprendre confiance : Passes en Redondo. Il n'y a que le tissu qui l'intéresse !
 
 
Clovis
Excellente série avec même une passe dans le dos. Il a passé un vrai cap. Excellent dans le rythme et le replacement. Merci à la vache particulièrement « fixe » !!!
 
 
15h30 : fin de l'exercice
 
Nous rentrons déjeuner, il est 16h30 ! C’est plutôt l’heure du gouter. Au menu, soupe de haricots au chorizo et coude de porc en ragout ! Cuisine typique, délicieuse, servie avec le sourire et la chaleur des gens d’ici.
 
Les brebis sont autour de notre hôtel, tranquilles. La vie du campo s’égrène avec la régularité d’une montre suisse.
 
Demain, autre ganaderia, autres aventures, autres progrès, autres difficultés mais toujours la même humilité et le même plaisir.


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