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Chronique du stage des 40 ans...

Le Président nous avait prévenus : nous irions récupérer le minibus vendredi dès 16h. À 18h précises, nous procéderions au chargement.


Le départ...
Le départ...

 Cela avait le double avantage d’installer tranquillement les sacs et le matériel de jour et surtout de nous éviter une opération longue le matin du départ, alors que nous serions encore en phase de réveil.
Aussi, à 18h, nous avons vu arriver les participants au stage, les uns après les autres, chacun les bras chargés de sacs, tous plus lourds et volumineux les uns que les autres... commence alors la séance de Tetris et de Rubik's cube réunis. Tout est nécessaire, tout doit rentrer et Jean-Luc n’a pas son pareil pour trouver un petit endroit pour loger ce grand sac ou ranger des muletas sous les sièges.

Durant tout ce moment, les parents regardent tout cela avec retenue, affichant un sourire mélangé d'une certaine mélancolie. A chaque stage, nous en sommes au 7ème, je l’ai vu chaque fois cet air, mais ce n'est qu'hier que j'ai réalisé ce qui pouvait se passer à ce moment précis : en tant que parent, on est forcément très heureux pour son enfant, car il va pouvoir vivre sa passion, durant une semaine, sur un rythme intensif. Mais, dans le même temps, on sait, dans son for intérieur, que l'enfant qu'on quitte ne sera plus celui que l’on reviendra chercher au retour. Il se sera enrichi d'enseignements techniques, sociaux, humains, aura vécu des expériences qui seront ses premiers souvenirs à lui... Je touchais là concrètement la fonction fondamentale du CFT, qui a toujours été considérée comme une école de vie, j'en vivais la preuve à cet instant.
Cette année 2023 marque le 40ème anniversaire du CFT. Bien que les finances de l’école soient plutôt modestes, nous avions envie qu’un stage puisse être organisé justement cette année. Priorité aux élèves, comme toujours !
Rendez-vous fut fixé ce samedi à 7h30 pour un départ au plus tard à 8h.
Chacun repartit pour une courte nuit, avec déjà des étoiles dans les yeux et une hâte de partir très palpable.


 

Plus que 1108 km !
Plus que 1108 km !
Jour 0 : Le voyage vers Salamanca

J’ai toujours pensé que les toreros ne vivaient pas sur la même planète que nous. Mais, quand on voyait ce qui s'y passait, sur la nôtre de planète, ça donnait vraiment envie de rejoindre la leur !

Et pour cela, immanquablement dans les histoires de toros et de toreros, ça commençait toujours par 10 à 12 heures de voiture ou d'avion. C'était comme ça, une sorte de sas pour se préparer à vivre quelque chose d'inclassable.

Car après avoir fait la guerre au virus, nous étions désormais en train de faire la guerre aux Russes. Décidément, l'adage :" Le bonheur est dans le pré" n'avait jamais autant eu de sens. Il était urgent de retourner aux fondamentaux !

Alors, au moment de partir, les chauffeurs s'étaient rapidement consultés, la bonne option passait par Toulouse. C'était plus cher mais moins long, alors, ils ont opté pour le passage de l'ouest. Quant à moi, j’aurais plutôt préféré le sud, d'autant que les Espagnols avaient eu, depuis plus d'un an, une excellente idée, celle de supprimer le péage des autoroutes. Ça ne risquait pas de nous arriver ce genre de surprise, dans notre beau pays !
8 heures, départ de Caissargues, le Gps nous indiquant un horaire estimé d’arrivée vers 18 heures.
Au moment de partir, je vis au loin sur l’autoroute un très gros camion qui affichait sur sa bâche la marque « Mistouflette », cela m’amusa et je pris cela comme un signe que la journée se passerait bien.
Donc, en route via le passage de l’ouest ! Ce qui ne me plaisait pas dans cet itinéraire, c’est qu’en quittant Narbonne, où je venais de rattraper Mistouflette, il y avait, comme toujours, des travaux, des radars et donc des voitures ralenties.  Mais, tant pis, on avançait quand même.
 

première neige
première neige
Aux alentours de Pau, les bords des routes étaient blancs, nos premières neiges de l’année.
Arrivés à la frontière, on a toujours l’impression d’assister à un cours appliqué sur la tectonique des plaques.... Des montagnes, percées de tunnels par les hommes, la mer, des vignes accrochées sur les versants hyper escarpés, des immeubles en rangs serrés, édifiés sur le moindre lopin de terre et des usines, des usines, un ciel souvent bas, gris, assez triste, avec un temps souvent maussade. Pas trop mon truc !
Aux alentours de 800m, de la neige mais rien de grave.
Puis, après la ringuette de dizaines de tunnels, la vallée plus large, les champs, mais encore des usines, beaucoup, c'est très industrieux par là, pas très glamour comme terre non plus.
Mais, finalement, le voyage se fait sans trop de difficultés.
 

Bien arrivés !
Bien arrivés !
À 18 heures, nous arrivons à notre hôtel dans une ambiance très chaleureuse, un peu comme des enfants arrivant chez leur grand-mère pour les vacances ! Le minibus arrive un petit moment après nous. 2 autres élèves arrivent en covoiturage.
Nous sommes rejoints par des anciens élèves, Nino, le Maestro Tibo Garcia notamment, qui se souviennent de leurs stages respectifs avec beaucoup de nostalgie et de plaisir.

À la fin du repas, Gérard se lève car il souhaite dire aux élèves combien il leur faut profiter de cette opportunité qu’ils ont : « Le CFT, c’est le pain, les brioches, le beurre et la confiture, puis, après en novillada piquée, il ne reste qu’un peu de pain, puis, ensuite, après l’alternative, le pain devient dur et il faut le couper à la scie, quand il y a du pain ! - alors, les jeunes, profitez, profitez de cette chance d’être au CFT pour apprendre tout ce que vous pouvez ! ».
Puis, comme à l’accoutumée, les portables sont consignés pour la nuit, pour que le repos et la concentration soient maximum, avec la bénédiction amusée des « anciens ».

Demain, à 10 heures, briefing sur le programme de la journée, puis séance d’entrainement physique. Le tentadero est prévu vers 15 heures. D’ici là, une bonne nuit sera la bienvenue. Le stage peut démarrer…

Le corps de ballet du CFT en répétition ! (Crédit JL Jouet)
Le corps de ballet du CFT en répétition ! (Crédit JL Jouet)
Jour 1 : Premier Tentadero

Aujourd'hui, premier entraînement prévu à la ganadería Sepúlveda, à 30 minutes de notre hôtel, dès 15 heures. Il fait frais, un peu gris, mais un échauffement physique est fixé à 10 heures, pour décrasser les corps. Il faut bien s'habiller, des gants ne sont pas de trop. Un petit footing et puis toreo de salon. Nino est là pour retrouver ses copains et participer à la séance. Simon, qui a passé une semaine à s’entrainer avec le Maestro Tibo Garcia, donne quelques idées d’exercices pour monter l’intensité au fur et à mesure des jours.
A ce même moment, belle surprise pour moi de retrouver, sur le pas de la porte, le Maestro Diego Urdiales, toujours aussi sympathique et souriant, avec sa charmante épouse. Nous nous croisons souvent dans les hôtels, pendant la saison, mais aussi dans cette zone de Salamanca où il vient s'entraîner. Il me commente le festival d'hier à Navalcarnero, dans une arène couverte, où il faisait plus froid que dehors ! Visiblement, son novillo n'était pas du tout coopératif, vu sa grimace quand il en parle. Il revient d'une semaine de tentaderos autour de Séville, il est ravi. Après une tienta dans le coin, cet après-midi, il rentre chez lui, sur Arnedo, ce soir. Il a une jolie saison qui se profile, Castellón, Séville, Madrid et surtout plusieurs festivals en début de saison, qui l'aident dans sa préparation.
« ¡ Cuídate ! » lui dis-je, quand il s'en va. Les toreros ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour ça ...
 

Let's play
Let's play
Dans notre hôtel, la clientèle habituelle de la semaine est constituée de travailleurs et de gens qui voyagent sur l’autovia menant vers le Portugal. Mais aujourd’hui, c’est dimanche et ça change du tout au tout, pour une clientèle familiale. Ana, la propriétaire, a eu une excellente idée. Elle a consacré une salle à des jeux d’enfants. Du coup, les familles sont tranquilles, les enfants s’amusent et le commerce des boissons en sort gagnant !
Ce matin, le ciel bleu est parsemé de gros et beaux nuages laissant passer la lumière, pas de vent, les toreros, comme les chats, craignent le vent. Quelques cigognes s’affairent dans leurs nids perchés sur des cheminées ou des pylônes installés à cet effet. Ambiance.
Après la séance de sport, un déjeuner est pris sur place, Ana se soucie de nos goûts et de ce que nous souhaitons manger durant cette semaine, nous sommes bien traités !
14h21 : nous partons en ordre dispersé vers la ganaderia de Don Íñigo et Verónica Sepùlveda. Le campo, vite !
14h58 : nous arrivons et les hommes s’affairent sur les torriles. Íñigo a eu la gentillesse de faire un bon feu dans la cheminée, dans le palco dominant le ruedo, ça sent bon le bois de chêne.
 

Tentadero chez Sepulveda (Crédit JL Jouet)
Tentadero chez Sepulveda (Crédit JL Jouet)
15h17 : début du tentadero
1ère Vache :
Une rousse, plus qu’excellente, pour Rafaël, Baptiste et Matthieu. Rafaël est très élégant, Baptiste, que je n’avais pas vu depuis longtemps, a fait de grands progrès et Matthieu est un peu brouillon. Le feu crépite derrière moi. Robin donne une bonne série pour prendre confiance. Sacha sort, il est concentré. Simon aussi, ils veulent faire les choses bien. Manuel n’y est pas, ça va venir plus tard.
Cette excellente vache permet un entraînement très précis. Elle boit littéralement la muleta et a pris une centaine de passes sans montrer de signe de faiblesse. Ça commence très fort !
Puis, pour terminer, comme à l'accoutumée dans cette maison, on doit attraper la vache, lui couper le bout des poils de la queue pour savoir qu'elle a été tientée. Elle sort fièrement.
2ème Vache :
Pour Gauthier, Valentin et Clément, cette vache est un peu moins suave mais très intéressante. Rafaël effectue plusieurs séries de 5 à 6 passes, la vache est hypnotisée par la muleta, lui profite pour rester dans les cornes et avoir des sensations. C’est exactement ce qu’attend de lui le maestro.
Clovis réalise plusieurs séries très « quieto », Nino commente « ¡ eso es ! - c'est une question de rythme ! ».
Au bout de 30 bonnes minutes, petite séance de coiffure et hop, on la lâche dans le clos voisin.
Simon, qui commence à avoir froid, va récupérer son manteau couleur « dulce de leche ». On le moque en le désignant l'élève le plus élégant de la tarde, mais pas sûr qu’il ait vraiment pu se réchauffer.

 

Tentando
Tentando
3ème Vache :
Le ganadero souhaite que la vache soit vue durant 2 tours, seule, sans sollicitations. Elle est un peu plus violente, mais très bonne. C’est au tour de Manuel, Matthieu et Simon. Sacha prend la muleta, il s'en sort bien. Baptiste est excellent, sachant se replacer : « C'est toi qui décides quand tu donnes le toque ! » dit le Maestro Le Sur.
Au loin, les bien peignées se rapprochent aux bruits qui s’échappent de l’arène.
Pour chacun, c’est une question de gestion de nombreux paramètres dont la distance, le positionnement du corps, son croisement et une donnée importante qu’est le rythme, tout ça dans des conditions de stress plus ou moins important. Rien n’est simple et à tout moment, l’animal peut réagir de façon dangereuse.
Matthieu revient, il s'en sort très bien, tente des gestes perso, c'est super.
C’est une séance sur mesure où chacun peut toréer vraiment longtemps pour essayer des choses, corriger, améliorer, éprouver des sensations de distance etc…
Clément se régale, il a le bon sitio, le bon rythme.
Les deux vaches bien coiffées éprouvent toujours un grand intérêt pour les bruits qui proviennent de la petite arène. De plus, elles semblent inséparables, comme si leur expérience commune avec les humains les rapprochait.
Séance de coiffure, frange et hop les 3 se regroupent dans le champ voisin.

Rafaël au capote (Crédit JL Jouet)
Rafaël au capote (Crédit JL Jouet)
4ème Vache :
16h58 : petite rousse rapide et vive
Pour Valentin, les capotazos sont sans temple, c’est difficile pour lui, aujourd’hui. Sacha est très appliqué. Clovis a de bons gestes. Valentin revient, c’est beaucoup mieux. Robin nous fait des afaroladas, sous les encouragements de ses camarades. Valentin prend la muleta et réalise une série de passes dont nous nous régalons. Tous les bons conseils du coach Joselito sont mis en application, tout au long de l'entraînement.
Gauthier, qui prend lui aussi la muleta, procède par fentes et transferts de poids sur l'autre jambe, en rond, à genoux...suerte inventée par le Maestro Enrique Ponce.
La vache est très noble. Verónica, la ganadera, est ravie. Elle a bien raison.
 
Nino, pour le plaisir, sort enfin, à la demande du maestro, il nous régale avec sa grande maturité, un toreo très doux, plus maîtrisé, moins dans le combat. C’est très agréable, il faut néanmoins rester vigilant car la vache tente des coups de tête qu'il faut canaliser.
 
Pour Rafaël, des passes en redondo et des desplantes pour être sur les cornes.
Séance de coiffeur. 17h25 : Au bruit de l’ouverture du portail métallique, les consœurs accourent.
 
5ème Vache :
17h29
Une petite avec une robe caramel foncé, assez haute.
Clément a un bon rythme. Clovis. Puis Manuel, qui a tricoté un peu, puis qui se met en colère et là, il met une paire de séries très affirmées, qui ont du poids.
"Allez ! tu es méchant, mets-toi en colère, impose toi!" dit le Maestro Le Sur.
 
 Superbe soleil d'hiver chaud et réparateur.
 
Baptiste est très efficace, mais doit se croiser plus. Clovis, muleta morte avec la jambe pivot. "ne fous pas le camp, reste dans la vache". Il le fait et reste quieto, puis tente une passe improbable, ça passera pas, rouler-bouler puis desplante à genoux.
 
La vache est infatigable et répond à toutes les sollicitations.
 
 17h55 : la vache est déjà très toréée, elle cherche à donner des coups vers les toreros, elle leur fait des fusées.
 
17h58 : chacun doit aller attraper la vache pour la coupe aux ciseaux.
17h59 : fin du premier tentadero sous un soleil éclatant.
 
Notre retour s’effectue sous une lumière rasante, qui révèle la mosaïque des champs : terre rouge profond et champs déjà semés d'un vert intense, c’est très beau ! 
 
Tous les élèves sont fatigués au retour. Le Maestro Le Sur fait un rapide point avec eux, il juge qu’à part Rafaël, tous les autres furent en dessous du bétail. Il va leur falloir montrer leur envie. A bon entendeur…Demain sera un autre jour.

Les bédigues
Les bédigues
Jour 2 :
Il a neigé sur Caissargues (Yesterday ?) et ici, il fait très froid. Soleil, mais froid. Avec un petit vent venu du nord est. C’est d’ailleurs le si gentil serveur, originaire de Saint Domingue, qui me l’a confirmé, en prenant la commande de ma tostada.  Tellement froid que, lors de notre installation dans la chambre, ayant prévu un petit chauffage d’appoint, je me suis aperçue qu’après une nuit, il ne fallait surtout pas ouvrir les portes de l’armoire car il y faisait encore bien frais !
Mais, nous bravions quand même les éléments, pour aérer notre chambre, qui donne toujours côté bédigues. Les élèves, après une nuit réparatrice, étaient fins prêts pour l’entrainement du matin, animé par Nino et Simon. Il faut vraiment qu’ils soient passionnés.
Jean-Luc et Gérard étaient partis sur Salamanca, pour faire quelques emplettes. Le tentadero était fixé à 14 heures, toujours à la ganaderia Sepùlveda.
On commençait à s’installer dans une petite routine, si chère aux sportifs de haut niveau. Un debriefing individuel était prévu en fin de matinée, mené par le Maestro Le Sur. Il était très important que chacun soit conscient de ses attentes, ainsi que des points à améliorer et de leurs bons gestes et réactions de la veille.

Notre querencia dans cet hôtel était très agréable. Nous étions surtout dans le bar très accueillant, la cheminée nous diffusait une chaleur douce. Nous faisions beaucoup d’aller-retours avec le premier étage, vers nos chambres respectives. Ce qui me rassurait finalement c'est que la 13ème  marche grinçait toujours, ce que j’avais remarqué à notre premier séjour, voici quelques années. Mais, ce qui me rassurait moins, c'était que désormais la 4ème   et la 7ème commençaient, elles aussi, à grincer...Ça c’était paglop !  
 
En passant à côté de la table où se déroulent les entretiens, je surprends un commentaire de Nino s’adressant à un des élèves : "Pas de quantité, de la qualité, quand on te dit quelque chose, ta tête doit travailler aussi… ". Et finalement, je me rends compte que ceux qui sont passés par ces mêmes chemins, quelques années auparavant, comme Nino ou le Maestro Tibo Garcia, sont très sévères envers les élèves, car ils savent tellement combien les choses se compliquent, plus on avance dans la discipline.
 
Nino nous confie qu’à Salamanque, quand il s'entraîne au gymnase, c'est la vérité brutale...  « On se rend très vite compte que tous les types toréent parfaitement de salon, alors il faut aller au bout de ses possibilités pour s'améliorer. C'est de tous les instants. Il faut se faire mal. Vraiment ! »
 
Ana nous avait fait préparer un plat de lentilles au chorizo, dont elle a le secret. Un petit dessert et puis le groupe se lève de table pour se préparer.
 
13h30, soleil éclatant, 5 degrés. Retour chez Sepúlveda pour 5 autres vaches.
 
Dans les champs, tout le long du trajet, le bétail est tranquille, une sérénité se dégage de tout cela, C'est extrêmement paisible et ressourçant.
 
On longe les toros grandeur nature que la Diputación a décidé d'installer, sur le bord de la route, voici bien longtemps. Mais, ils étaient tellement réalistes que les automobilistes qui les apercevaient au loin ralentissaient. Du coup, il fut décidé de les « pinturlurer » avec des motifs et des couleurs improbables, pour que le conducteur distrait sache tout de suite que c'est un Fake. Mon préféré, c’est celui qui s’est vu affublé de l’éclair qu’arborait David Bowie époque Ziggy Stardust !
 
 

Arrivée chez Sepulveda
Arrivée chez Sepulveda
A l’entrée de la finca, un énorme tas de bois de chêne attend. Et comme dit l’indien, « homme blanc couper du bois, hiver rigoureux ». Il a bien raison.
 
Le Maestro Tibo García est là. C’est toujours un plaisir de retrouver d’anciens élèves que l’on a connu minots et qui se révèlent être devenus des adultes responsables, matures et toujours aussi heureux d’être là avec nous.
 
1ère Vache : 14h29, petite vache rousse. Excellente.
Aujourd'hui, on travaille le poids et son transfert.
 
Durant toute la séance, les conseils et recommandations vont être donnés par le Maestro Le Sur, Don Iñigo Sepulveda et Nino.
Le Ganadero demande à Gauthier « Tire la profondeur maximale de la becerra. ». Belles séries bien rondes.
 
Manuel. « Mets-toi au milieu…Tu as réussi le temple, mais sépare bien tes passes, je te félicite, tu as réussi... ». Le debrief de ce matin semble porter ses fruits. « Mets les reins…Laisse la muleta, le poids sur la jambe…Tu as fait l'effort mais c'est pas parfait ! ».
 
Sacha : « Le poids sur la jambe, replace-toi, cite la plus fort…Tu es sur le quai de la gare… »
 
Simon : « Replace la vache au centre... Applique-toi, bouge plus…Laisse la muleta. Voilà, tu as fait un truc bien…2 passes suivies, c'est bien ! »
 
Rafael : « Bien. Bravo. Elle en a des passes. Continue, ne rentre pas en guerre avec elle. Olé ! Quand on se met au bon endroit, ça fonctionne. Essaie d'harmoniser tout ça, qu'elle voit arriver la muleta de loin, bien.. muy bien… Régale-toi ! ».
 
Valentin : « Sors-la de là, recule au centre. Qu'elle voie arriver la muleta qui l'aspire…Le poids sur la jambe…Ne te presse pas…Touche lui la joue. »
 
Le ganadero crie « Peluquero ! ». La vache sort.
 
Nino donne ses recommandations à Rafael, durant la courte pause.
 
2ème Vache : 15h10 jolie vache noire, très mobile.
 
Clément : « Bien… ! bien ! »
 
Matthieu : « Très bien ! »
 
Baptiste : « Au milieu, prends beaucoup de sitio, accompagne-la, à mi-hauteur…Bravo, très bien l’aguante ! Tu as fait l'effort, tu vas faire mieux maintenant. Prends son rythme, continue à gauche…Voilà, doucement, aspire-la…A droite… Ne la déplace pas…Eso, voilà…Bien…doucement, c'est parfait là…Tu as toréé en rond, c'est bien…Bravo, bien relâché, c'est bien, Si señor… »
 
Matthieu : « À droite, entregado…Je n’ai pas vu grand chose moi ! C'est nerveux, décontracte-toi, montre-moi que tu es quieto…Voilà…avec le poids sur la jambe…Oh ! non ».
 
 
Sacha : « Réveille-toi…Tu vas trop vite, conduis-la…C'est mieux…ça fait trois fois que tu lui lèves la main, change de piton…Bien, attends…Doucement…Très bien…Reprends à gauche, ne te fais pas accrocher, amène-la derrière ton dos…La vague…Eloigne-toi du toril…Écoute Nino…Laisse-lui la muleta, si elle s'arrête, laisse-lui le temps. À gauche, enlève-moi cette épée, C'est bien ! »
 
Re-Baptiste : « Sois comme dans une arène, à la sortie des séries, regarde les gens, accroche-les ! Bien !
Croise-toi…Olé ! Voilà…Non, tu l'as doutée. C'est toi qui décides. Change de sitio, elle est en querencia au portail, change de terrain… Elle est plus compliquée à gauche. Confie-toi…À sa hauteur…Fais-lui des choses, tu es dans une arène, bien ! Tu es en public ! Coupe… coupe…Mets-toi la muleta dans le dos...bien voilà ! Marche en torero, simule une mise à mort…Tu es très fuera… Recommence… Ne regarde que l'endroit où tu dois mettre l'épée… Plus fort. Comme un coup de poing…Encore…C'est la muleta qui tue, le pico aux sabots ! ».
 
« Attrapage » de queue, déstabilisation et Carlos le coiffeur accourt avec ses ciseaux. Ouverture du portail et Ciao la compagnie !
 
 

Fais du feu dans la cheminée
Fais du feu dans la cheminée
3ème Vache : 15h48, Vache rousse plus forte, très, très mobile.
Un joli milan plane au-dessus de nous. Un échappé du parc de Monfragüe probablement.
 
La vache plus compliquée, elle serre beaucoup.
 
Manuel : « Au centre… »
 
Valentin : « Montre-moi ce que tu sais faire ! »
 
Robin : « Allez ! Abajo…Attends…Bien ! »
 
Re-Manuel : « Derrière, le vuelo… Bravo. Passe au centre. Tu es en public, tu as entendu ? Tu es en public…Laisse la muleta. Parfait ! Muleta devant, Baisse-lui la main…No paré, sigue. Voilà, très bien…Trinchera pour débuter...Montre bien ta muleta…Voilà, sitio…Tu commences à prendre le dessus…Pico, pico… Tu as vu ? tu lui as donné l'intérieur, elle te vient dessus…Manuel, chaque muletazo, tu perds du terrain ! »
 
Clément : « Re-croise-toi ! Bien ! Bien ! »
La vache le serre fort mais il se bat.
 
Rodéo pour préparer le coiffeur : sortie du salon à 16h13.
 
4ème Vache : 16h16, vache rousse plus petite, très rapide.
 
Nino, pour la parer. Vuelta de campana. Il nous montre un toreo très suave, c’est un plaisir. Il a beaucoup mûri. Il est tellement doux que son surnom sera désormais « Doudou » !
 
Rafael : « Sois doux...Muy despacito…C'est bien… Que no te toque el capote ! »
 
 
Nino : Don Iñigo : « Ahí, no toque la muleta…Series cortas…Doucement, rematamos. Il faut qu'elle prenne confiance…Doucement, toma confianza…Ahora, sí…Poco a poco…Levantarla…Saca la muleta por delante acariciándole ! ».
 
Matthieu : « Voilà je te préfère comme ça…Recroise-toi avec du sitio…Ne te presse pas…Fais les choses plus suaves…Entregado…Elle a querencia au toril, décolle-la d'ici… Demain matin, pour tout le monde, footing en arrière…Palo horizontal…Ne te fais pas accrocher la muleta…Tire la muleta après le toque… Voilà ! ».
 
Nino : «Sigue sigue Nino, bien !! De rodillas… redondos… Muy bien templado, muy bien ! ».
 
Simon : « Doucement !!! Pousse ton muletazo jusqu'à la fin…Pecho bien ! Eprouve-le…Bien, bien, doucement… C'est bien. ».
 
 
Manuel :  « Allez, Guapo, Bien. Ressens-le…La jambe devant…Vale ! ».
 
Robin : « N’ouvre pas le poignet, c'est la ceinture…Pico de suite…C'est bien encore…Bueno ! Vale ! ».
 
Baptiste conduit la vache pour la séance de coiffeur, parce qu'elle est fatiguée. Elles prennent toutes des dizaines et des dizaines de passes sans broncher.16h45.
 
 

Enseñando como se torea
Enseñando como se torea
5ème Vache :16h48. Le Maestro Le Sur lance un petit commentaire à tous : « Mettez-vous dans la tête que vous êtes en public. Donnez de l'importance à ce que vous faites. ».
 
Vache rousse, haute, très vive.
 
 
Valentin : « Sitio…Il faut la lidier par le bas, les deux mains…Tends tes bras…C'est ça, allonge-la… Voilà ! ».
 
Baptiste : « Bien…Tu es trop près… Attends…Remate. ».
 
Robin : commence à la muleta « C'est bien ! Sois doux…Enlève-toi… Prépare-toi pour une série…C'est pas mal…Trop près…Pecho… Bien ! À gauche…Ta jambe gauche devant…Ne te laisse pas marcher sur la muleta…Voilà…C'est bien…Enlève-toi… Un pecho pour remater…Bien ! Bravo, c'est bien ! ».
 
Gauthier : « Fais-moi du spectacle, à droite, à gauche…Bien, C'est ça…Voilà…La vache est très bonne…Eso es…Mets les reins…Bien… À genoux … Aspire-la…Bien l’aguante ! ».
 
Manuel : « Bien … De rodillas…Relève-toi... Sors-la de là ! Bien…Allez, continue…Faut sauter pour faire la grenouille ! Redondo à genoux…Muleta dans le dos, très près…Entregado… Vale ! ».
 
Rafael : « À genoux … Voilà ! Pico… Par derrière… Recommence…Voilà !!! ».
 
Dernier coup de ciseaux pour cette excellente vache. Le maestro Tibo Garcia, muleta en main, la  raccompagne. La becerra a dû prendre 500 passes et une coiffure, mais elle veut rester dans le ruedo.
Une gourmande ! Ils continuent, tous les deux, dans le campo attenant, elle en veut encore, c’est magique, sous cette belle lumière du soir.
 
 
Nino continue à donner d'excellents conseils aux élèves qui plient leurs affaires.
 
 
Le Maestro Tibo Garcia, tout sourire, nous confie avoir envie de parler aux élèves, car il est déjà passé par ce chemin, puis a connu des moments difficiles, ensuite. Alors, il souhaite transmettre un message aux plus jeunes, pour qu’ils puissent gagner du temps, profiter de cette formidable opportunité qui leur est donnée cette semaine : la brioche, le beurre et la confiture se transforment souvent en pain sec quand il y a du pain qui reste !
 
 
Notre retour est rythmé par Enrique Morente, chantant « Refugio », arrangé par Dorantes. Le campo défile au travers des fenêtres, sous une lumière parfaite, les montagnes de la Sierra de Francia enneigées en fond...un pur régal…

Le Maestro Tibo Garcia accompagne la vache (Crédit JL Jouet)
Le Maestro Tibo Garcia accompagne la vache (Crédit JL Jouet)
 Jour 3 :
 
Aujourd'hui, là-bas c’est Día de Andalucía, mais cela me laissait de marbre. Il semblait qu'il faisait moins froid. Mon copain dominicain du bar me l'a confirmé, tout de suite à mon entrée dans le bar.  -1 degré, normal donc !
Tous les élèves étaient déjà là. Finissant leur petit déjeuner, boisson chaude, tostada, jus d’oranges fraiches, ils venaient surtout de récupérer leurs portables respectifs et en prenaient une petite dose, avant de démarrer la journée.
 
Dans le même temps, le Maestro Juan Leal était en route pour nous rejoindre. Depuis quelques années, il nous faisait l'amitié de passer quelques jours avec nous, durant le stage. Il était prévu qu'il arrive vers 13h.
 
La tienta du jour, prévue dans la ganadería de Juan Luis et Carolina Fraile, devait débuter à 16h. C'était bien tard, mais, nous n'avions pas possibilité d'avancer l'horaire car Carolina nous avait indiqué que le ruedo était gelé jusqu’à 13 heures ! Nous pressentions que la fin de séance serait glaciale, ce qu’elle fut …bien plus que prévu. De plus, la réputation du bétail de Carolina la précédait : c'était toujours piquant.
 
 

 
 

Meeting de téléphones orphelins
Meeting de téléphones orphelins
Les élèves sont partis pour faire un footing puis ne sont plus réapparus… ils ont tout simplement escamoté l’entraînement physique. Il se résuma à une partie de football. Malheureusement, il aurait fallu s'entraîner fort, à courir en arrière, par exemple, car hier, on avait touché du doigt l'extrême manque de recours que presque tous les élèves affichaient lorsqu'une vache leur courait dessus un peu rapidement. Cela faisait des lustres que les professeurs le leur disaient. Mais, peut-être attendaient-ils le miracle, la révélation spontanée, le don de dieu, pour doubler le Maestro Fandi, sur son propre terrain ! Le professeur le plus efficace pour s'en rendre compte, au final, c'est le toro.
 
Dans le même temps, le Maestro Le Sur se battait en téléphonant en France pour tenter de décrocher des novilladas pour les élèves. C'était de moins en moins facile, car les organisateurs se faisaient rares, les candidats novilleros toujours plus nombreux et plus compétents, le montant du budget pour monter un spectacle atteignait des sommets...bref, plus facile d'apprendre à mon toutou à refermer la porte derrière lui quand il entrait dans la maison... quoique !
 
 
Carolina, que j'ai fini par surnommer la "Lucky Luke espagnole", est la seule personne, dans toute la péninsule ibérique, qui parle plus vite que son ombre ! Ce qui était très amusant, au début de nos rencontres, c'est que lorsque nous lui demandions de parler plus lentement, elle répétait plus fort, mais pas moins vite ! Du coup, il faut s'accrocher pour la comprendre, mais, peu à peu, on s'y habitue.
 
Carolina, je l'ai connue à Madrid où elle fréquente le même tendido que moi. Elle y vient toujours très élégante, avec le petit sac baguette, les talons hauts, au bras de son cher mari, Pepe, un homme très gentil qui connait les meilleurs restaurants du pays. C'est une femme assez timide, qu'il faut connaître. Mais, le premier jour où je suis allée à la ganadería familiale, j’ai retrouvé "ma" Carolina, sur le tracteur, distribuant du foin à ses toros, bonnet vissé sur la tête, bottes pleines de boue, très affairée pour faire marcher tout ça à la baguette (- Pas le sac ) ! .
 
Juan Luis, lui, je ne l'ai pas trop fréquenté, car c'est un homme du campo, très très timide, qui s'active pour ses toros et qui ne semble pas avoir goût pour les rapports humains, surtout quand il ne les connait pas. La vie est rude dans ces contrées. Les installations sont spartiates et tous les moyens sont consacrés aux animaux, qui sont traités plus que parfaitement. Ça se voit immédiatement, dès l'entrée dans la finca. Ici, les toros en imposent, ils sont bien nourris et prêts à la lidia à tout moment. Point de période d'engraissement, comme certains peuvent être tentés de le faire, avant une course. Là, c'est du naturel, sans fundas, au gré des saisons. C'est du "naturel et bio", comme dirait le bobo parisien, s'il enlevait ses lunettes anti-taurines.
 
 
13h, le Maestro Juan Leal arrive, toujours souriant. Il vient de Séville, a conduit seul, mais, pour lui, c'est du normal. Il hante la Via de la Plata, toutes les semaines, pour venir tienter dans le campo charro. C'est un homme très agréable, qui s'intéresse aux activités du CFT et qui a toujours aidé les jeunes, avec une disponibilité de tous les instants. Le Maestro Le Sur lui fait un résumé des 2 jours passés.
 
 
13h30, nous passons à table et nous régalons d’un ragout de costillas con patatas. Puis, vient l’incontournable polémique sur comment se nomme le café, con leche, cortado, manchado, de maquina  etc…qui ne trouve jamais de solution.
 

 

Préparation chez Fraile
Préparation chez Fraile
15h15 : le convoi démarre, nous sommes à 20 minutes de notre destination.
 
15h50 : nous arrivons à Cojos de Robliza.  Il fait un froid de gueux. Mais, le plus terrible, c’est qu’il n’y a aucune vache en attente dans les coraletas. Juan Luis arrive et nous fait un petit signe de la main, de loin. Il a en main un long bâton avec un chiffon, pour faire progresser les vaches potentielles qui doivent être tientées. Il est avec le vaquero.  Puis surgit Carolina !
 
« Vaca… ha… cha cha cha cha cha !!!... » aux bruits de portes métalliques qui s’ouvrent, se referment.. Les vaches sont plutôt fortes... Elles sont d’origine María Cascón ( leur grand-mère ) . Mais, surtout, elles sont en pointe, ça, ce n’est pas possible pour les « petits ». Du coup, les deux Maestros partent rapido vers un couloir étroit, qui permet de rectifier les cornes avec une scie à métaux, car c’est un élevage qui se refuse de le faire habituellement. Mais, cela nous permettait une peu plus de tranquillité car l’hôpital de Salamanca n’est pas très proche !
 
Pendant ce temps, le picador préparait son cheval, on n’était pas couchés !
 
Cette séance capillicole prenant un certain temps, ce n’est qu’à 16h32 qu’a débuté la séance. Tout ce temps perdu ne pourra se rattraper, nous allions le comprendre très vite.
 
1ere vache : 16h32 : forte mais bonne

Clément, Matthieu
fin : 16h55
 
À la pause, le maestro Juan Leal montre à Matthieu et aux autres comment tenir la muleta pour aspirer la vache.
 
2eme vache : 17h : forte mais aussi bonne
Rafael, Valentin Clovis
Puis tout-à-coup, quelqu’un appelle Juan Luis qui s’est installé dans le palco, sa sœur à l’autre bout. Il répond en parlant très fort à son copain au téléphone, tout en parlant, il ouvre furieusement la fenêtre "sacarla, sacarla …", puis continue sa conversation, tout aussi fort, c'est assez rock’N’roll comme tienta.
Il se met à hurler car il veut la voir toréée et crie sur Carolina, disant qu'on va lui tuer sa vache si on continue à la laisser au picador.
 
Carolina : " despacio, no tenemos prisa"
La vache reste bouche fermée jusqu'au bout.
 
Juan Luis n'arrête pas de téléphoner, mais vu le niveau sonore, son interlocuteur doit réussir à l'entendre sans téléphone, c'est très drôle.
fin : 17h28
 
Tous les élèves sortent des burladeros en sautillant pour essayer de se réchauffer mais en vain.
 
 

Grytviken ?
Grytviken ?
3eme vache : 17h29 : haute, forte, vive.
Elle sort comme une bombe
 
Valentin, Gauthier, Robin, Baptiste, Matthieu
 
Pour stopper la vache au milieu du ruedo, Juan Luis et Carolina, chacun de leur côté tapent sur les baies vitrées, très très fort ! Du hard rock. Pour ma part, même si j'ai une tenue qui me permettrait de tenir à Kangerlussuaq au mois de janvier, je commence à avoir une crampe au pied gauche, à cause du froid, qui me force à faire les 100 pas, tout en essayant de ne rien perdre du spectacle.
 
Car, du spectacle, ces excellentes vaches nous en donnent, c'est un vrai plaisir.
 
Les Maestros Leal et Le Sur se partagent les recommandations.
 
Le soleil apparaît, c'est comme dans le film "miracle à Milan ".
Fin : 17h53
 
4eme vache : 17h55 : haute, forte, noble
 
Plus faible après les puyas.
 
Gauthier, Simon
 
Crampe au pied droit !
Fin : 18h15
 
5eme vache : 18h19 : encore une excellente vache noire
Les petites chaufferettes sont les bienvenues dans la poche.
 
Nino, Manuel
 
On termine tous en sautillant pour tenter d'avoir moins froid, peine perdue !
 
Je songe que tous ces toreros sont fous pour continuer par ce froid polaire. Je vais me renseigner, car au Groenland, les Inuits collectent la laine des bœufs musqués sauvages. Ça pourrait peut-être les intéresser nos toreros finalement, ce genre de sport d'hiver !
 
Fin : 18h43
 
6eme vache : 18h46 : La plus forte, fuyarde mais s'emploie au cheval finalement.
 
Clovis qui a tienté chez Pedraza de Yeltes ce matin. Grosse journée. Manuel
 
Est-ce que les vitres vont tenir jusqu'à la fin de la tienta ? C'est la question, car ils tapent très fort, mais ça fixe les vaches, c'est efficace !
 
Soleil couchant.
 
La vache commence à n'en plus vouloir, mais Clovis continue.
 
Manuel essaie mais la vache n'en veut plus.
 
La vache veut sortir, moi, ça m'arrangerait car j'ai aussi froid qu'un marin d'Ernest Shackelton arrivant à Grytviken en Géorgie du Sud !
 
Rafael pour quelques passes excellentes et arrêt des jeux ! 19h07. Il fait 3 degrés, ressenti 0 …
 
Très vite nous quittons la famille Fraile. Nous nous engouffrons dans les voitures, chauffage à fond jusqu’à l’hôtel pour essayer de retrouver une sensation de pieds, de mains et commencer, déjà, à imaginer demain.
 
¡ Otro día de toros !

Ça c'est du bar taurin non ?
Ça c'est du bar taurin non ?
Jour 4 :
La "petite" entreprise d'Ana tournait comme une Patek Philippe. Le matin, les ouvriers du bâtiment croisaient les vrp, au rythme de la vapeur du percolateur et du tacatacatac de la machine à moudre le café. Elle avait fait des rénovations et avait installé toutes ses photos taurines encadrées, bien en évidence.
 On ne pouvait pas les rater. C'était respectable car, même ici, les anti-taurins, quoique peu nombreux, commençaient à vouloir faire régner une dictature insupportable. D'ailleurs, au lieu de froisser la clientèle, cela lui en avait ramené, car, le Cruce, notre ancienne querencia, demeurait définitivement "cerrado".  Du coup, on pouvait croiser de plus en plus de "taurins", qui se donnaient rendez-vous avant ou après les tientas.
 
Mais, comme dans toute activité humaine, l'affluence se faisait par vagues, sûrement une lointaine mémoire de nos origines aquatiques ancestrales.  De temps en temps, Pedro, mon météorologue dominicain, profitait du creux de cette vague pour débarrasser le comptoir de la vaisselle que nous avions "accumoncelée" en matinée.  Car, nous faisions comme à la maison, nous occupant de faire le service, dès que nous le pouvions, il restait peu de temps avant que nous ne passions derrière le comptoir, pour nous faire couler un café solo.
 
Les élèves s'étaient résolus à une vraie séance de décrassage - enfin ! - sous la houlette de Simon. 1 degré. Dans le même temps, le Maestro Leal en avait profité pour aller préparer notre tienta du jour dans la ganadería de l'ami Rekagori. Il était comme ça Juan, il anticipait toujours ce qui pouvait l'être et surtout voulait éviter notre déconvenue de la veille. Je l’avais toujours connu comme ça, mais l’arrivée de son petit Juanito, voici 2 ans, lui avait encore plus développé cette compétence.
 
Pour l’entrainement sportif, ce matin, Simon, baptisé par le Maestro Le Sur « El hombre elegante » avait pris le leadership. Il était atypique le Simon, notre banquier-boxeur. Etant l’ainé du groupe, il s’était permis un petit speech sur la motivation. Ses compagnons l’avaient écouté avec beaucoup d’attention. Lui qui travaillait dans le domaine des risques dans la finance, avec les toros, il était servi ! Il faisait preuve de beaucoup de volonté et nous avait amusés, en début de semaine, car il avait cru rester sur place et quieto mais ses jambes en avait décidé autrement, dès que la vache chargeait vers sa muleta. Il jouait un peu le rôle d’un grand frère, même si ce terme a été galvaudé, je dirai plutôt un passeur de témoin.
 
Quant à Rafael, un de nos grands, il continuait à réviser ses cours, tôt le matin, dans la grande salle du bar, pour ne rien perdre de son enseignement de biologie, à l’université. Bravo.
 
Gérard, depuis le début de l’aventure, dès son entrée à La Rad, n'arrêtait pas de répéter : " Je me sens très bien dans cet hôtel, il y a de bonnes ondes ! ". Il avait bien raison, on s’y sentait très bien, dans cet endroit. On ne voulait plus en partir !
 
12h48 : 2 Degrés. Au vu de notre expérience de la veille, nous partîmes (pas 500 !) pour une escapade au Decathlon local, pour s'acheter des moufles fourrées et des chaufferettes, ça pouvait servir.
 
À la TV, on parlait de politiciens corrompus dans un nouveau scandale - La routine en somme !
 
A notre retour, la conversation revint sur le thème de se surpasser et nous évoquions avec Clément, la novillada épique d'Alès, quand il dût tuer 6 novillos, après la blessure de Nino, son compagnon de cartel malchanceux.... On se surpasse du moment où, n'en pouvant plus, on continue malgré tout, en trouvant des ressources insoupçonnées.
 
14h27. Après un riz savoureux, Départ de la Rad.
 
 
Arrivée à 15h, long chemin de terre, bordé de murs en pierres sèches. De tous les côtés, des toros, des chevaux ... Tout est calme, paisible. L'ambiance tranche avec les folies que je viens de lire sur les nouvelles du jour, que j'ai eu la faiblesse de consulter en venant.
 
Nous passons sur un petit ruisseau qui traverse le Campo. Ici, il a beaucoup plu voici peu. Le Maestro Leal nous dit que les ganaderos se plaignent d'un excès d'eau. « Mais, quand il n'y en a pas assez, ils se plaignent aussi, c'est jamais au bon moment que ça arrive. Comme tous les humains, on n'est jamais content de ce que l'on a, c'est du classique ! ».
 
Puis, dans les derniers arpents, avant le portail d'entrée, il est pris d'une émotion en pensant que Manolete passait des mois ici et foulait ce même sol, pour aller tienter, après être allé se recueillir à la ermita de l’entrée. A l’époque, tout ce campo appartenait à la ganadería Atanasio Fernández, puis fut morcelé, vendu. Il ne reste plus, à quelques encablures, qu'un immense ensemble de maisons de type complexe hollywoodien occupé par les héritiers, qui ne veulent plus entendre parler de toros. Triste histoire.
 
 
Dès notre arrivée, le ganadero Don Andoni Rekagori nous accueille. Tout sourire, il a son célèbre béret vissé sur la tête, ses cheveux rassemblés par une élastique pour former une sorte de coleta.
 
Juan retrouve son fidèle picador, le célèbre Tito Sandoval, lui aussi tout sourire.
 
Pas de nuages, pas de vent, ciel bleu, 6 degrés, les Tropiques en quelque sorte !
 
Don Andoni eut la bonne idée, lorsqu’il a installé son élevage, de positionner 4 containers, les uns sur les autres, ceux du dessus étant totalement vitré, ce qui lui permet d’avoir une vue à 360 degrés sur son campo et qui permet à tout visiteur d’apprécier ce qui se passe en piste, dans des conditions de luxe extrême, chauffé par le soleil. On en aurait presque trop chaud mais je ne voudrais surtout pas tomber dans le piège du « trop/pas assez/ jamais content » dont parlait Juan !
 
Le ganadero s'assoit sur son banc d'écolier de l’autre côté du ruedo, pour prendre note.
 
Tout est calme, le cheval est en place, on va se régaler.
 
 

Débriefing dans le ruedo
Débriefing dans le ruedo
1ère Vache : 15h31 : noire haute, jolie
 
Rafael : en grande forme depuis le début du stage.
La vache s'emploie au cheval, sort seule mais y retourne
 
Nino : la replace au centre mais elle est très distraite. Se lance sans conviction.
 
Rafael : à droite, la vache ne lui laisse que peu de possibilités, à gauche, pas simple non plus.
 
Nino retente sa chance, mais cette vache se retourne très vite, cherche les chevilles, elle est paglop, paglop, paglop...15h45, on arrête les frais. Portail, le Maestro Juan monte sur le mur, descend sur un autre mur, fait le tour pour ouvrir un autre portail et ressaute dans le ruedo, façon Spiderman. Quel phénomène ce Juan !
 
Dernière vérification de la bonne fermeture du portail avec un gros fil de fer, puis...tout le monde en place...tapados...
 
2ème vache : 15h49 : noire, même maille,
 
Manuel. 
Vache avec plus de caractère, reste dans le cheval.
Clément.
2eme rencontre concluante.
 
Muleta pour Manuel. La vache est très noble, un peu faible, il faut la toréer à sa hauteur.
Depuis le début du stage, Manuel avait du mal à trouver le sitio, pourtant il y travaillait.
Cette vache allait lui permettre de retrouver des sensations. Merci la vache !
 
Muleta pour Clément : depuis plusieurs mois, il avait l'air plus détendu, plus souriant, plus confiant, moins dans le "je me mets la pression tout seul et je me bloque...". De ce fait, tout devenait plus fluide.
 
Matthieu, qui n'avait pas fini l'entraînement physique ce matin, prend la muleta. Il effectue des passes très élégantes, sans bouger, presque avec facilité. Re-merci la vache !
 
Simon de « l'agence tous risques » est aux manettes. Il suit tous les conseils et ça fonctionne très, très bien. Re-re-merci la vache !
 
16h09 : Gauthier à l'ouverture des portes, Spiderman, Gauthier à la fermeture des portes, débriefing au centre du ruedo.
 
Je suis obligée de sortir de mon caisson façon cuisson micro-ondes, car il y fait vraiment aussi chaud qu’il faisait froid hier ! D’ailleurs, tout au long de l’après-midi, je ferai des aller-retours, comme Jack, mon petit toutou, qui se couche alternativement sur le tapis puis le carrelage, à intervalles réguliers, pour maintenir une température idoine. Il est fortiche ce Jack !
 
3ème vache : 16h14, noire, jolie, à la fin du 1er tour, elle tape sur le peto. Ça promet.
 
Gauthier al capote.
Valentin en suivant.
 
Elle s'emploie.
 
Gauthier à muleta. Toreo très suave, rond, fentes en redondos à la Ponce, à genoux...bien...
 
Baptiste, qui disait ce matin s'amuser plus cette année, car il avait arrêté de se mettre la pression tout seul. Ça fonctionne mieux.
 
Sacha : bachouchage puis série quieto, sérieux, avec changement de main, son préféré. On est bien loin du petit garçon de l'an dernier. Il a mûri.
 
Robin : très volontaire, il fait les choses du mieux possible. Il se fait bousculer mais y retourne. Il est tenace. On ne l'arrête plus.
 
16h33 : Clément à la porte, coup de blouson du Maestro Leal et fermeture, débriefing, re-Spiderman. Le Maestro Leal fait voir à chacun comment corriger son comportement. Il a l'œil sur tout « mon » Juan, c'est son métier. On voit aussi qu'il a un réel plaisir à transmettre. Il fait du sur mesure. Le luxe !
 
Clovis montre à Robin, Nino à Manuel... c'est très confraternel.
 
 

Sculpture sur bois
Sculpture sur bois
4ème vache : 16h43, noire plus forte, violente
 
Valentin, Nino.
 
La vache réagit bien au picador.
Valentin, à la muleta, se bat, la vache est violente. Il effectue plusieurs séries. Il prend sur lui, c'est méritoire.
 
Clovis a participé à une tienta ce matin chez Pedraza, invité par l'école de Salamanca et s'est fait remarquer. Il tente sa chance avec cette vache violente. Il faut lui voler les passes. Il perfectionne sa position du corps, il doit être sur-croisé face à l'animal, pas sur le quai de la gare. Peu à peu, il fait l'effort et ça paie et c'est beaucoup plus esthétique.
 
 
17h09 portail... débriefing sur mesure.
 
5ème vache : 17h15, une petite rousse qui penche sa tête par la porte timidement, puis sort.
 
Elle veut en découdre avec le cheval.
 
Rafael, Clovis.
 
 La vache s'emploie au cheval, puis ce dernier sort, comme un prince de la petite arène.
Et à ce moment-là, je dois avouer mon étonnement et mon ignorance. Des amis landais de Don Andoni utilisent un terme jamais entendu auparavant : Picateur !!!!!  On en apprend tous les jours.
 
17h20. Rafael à la muleta.
La vache est faible sur ses pattes mais prend les passes. Rafael torée bien, avec justesse et entrega : "Bien, bien...muy bien !"
 
Le Maestro Leal sort du burladero, muy atento, car Sacha va sortir.
 
Sacha : toujours très concentré, muletazos main droite, puis gros bachouchage sans conséquence, tout le monde accourt. Il s'y remet et c'est superbe. Main gauche, itou.
 
Baptiste : pour avoir des sensations, pour se croiser plus.
 
Clément et Manuel se partagent les dernières passes.
 
Simon pour raccompagner la vaquilla à la porte.
 
17h40 : fin de l'entraînement.
 
 Nous partons sous la lumière superbe du soleil de chaque jour, le campo est magistral, les chênes paraissent sculptés par un artiste, les racines s’enfoncent dans une sorte de moquette parfaitement verte. Le bétail est là, heureux de vivre dans ces espaces immenses, juste limités par une ligne d’horizon lointaine. De la pure souffrance animale sous nos yeux en quelque sorte !


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